Extrait de “Face à Face” 1993

Philippe Parmentier
4 min readAug 7, 2018

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Chaque jour, de mauvaise grâce, j’entreprends le rêve de la vie et je me surprends même parfois à jouer le jeu.

J’adopte une stratégie offensive. Plutôt que de faire opposition aux agressions d’identité qui défigurent mon corps pensant, je déplace l’entendement qui me lie à ces agressions et je m’inscris dans la perception, ce non-espace entre le corps et son image, tel un miroir, et me saisis de toutes sensations génératrices d’évolutions aliénantes, afin de rester vivant et de capitaliser en marge ce témoignage impertinent d’existence advenue.

Ainsi je deviens imperméable au mensonge et capable de le distiller en retour afin d’avantager mon “corps illusion” et d’ébranler son paysage social.

Mais cette gestion passive de la perception bien qu’elle me préserve de l’aliénation, décharge sur le corps réceptif comme sur son paysage le ressentiment de sa projection propre.

En effet, se posant en faux comme interlocuteur du non-sens, le corps réceptif se découvre reflet du mensonge qu’il véhicule : il se glace et pour ne pas mourir, par intermittence il se réfugie dans la honte de n’avoir pas de figure.

Libéré de l’agression du sens des perceptions je conserve la terreur de la perception du non-sens.

Puisque la vertu maîtresse de la pensée est de posséder le pouvoir de réinventer l’histoire, donc de penser ce qui était donné à l’origine comme impensable, je choisis de lui laisser libre cours en ne favorisant aucun des héritages théoriques qui définissent une réalité institutionnelle, afin de tracer une histoire de l’histoire : sa méthodologie…
que je conceptualise en trois moments - trois “actes” -.

- La pensée philosophique -
La pensée philosophique n’existe que comme métaphysique formelle. Elle donne au sujet la capacité de s’inscrire dans le concept comme intuition du sujet universel.
Elle s’exprime par le concept contre les agressions particulières de son histoire.

- La réflexion scientifique -
La réflexion scientifique établit le rapport de causalité entre le sujet et l’objet de la perception.
Elle inscrit ce rapport dans le corps qu’elle nomme : “Moi”
Elle nomme la perception : “Je”
elle s’exprime par l’identification du rêve et de sa réalité à une mémoire synthétique.

- Le mouvement politique -
Le “Je” est intrinsèque à la linéarité du temps présent.
Le “Moi” est coextensif aux accidents des séquences espace-temps.
Entre le “Je” et le “Moi” il n’y a pas d’intersection.
Entre la vie et la mort, pas de passerelle.
Le mouvement politique inscrit ses sujets dans leur différence fondamentale. À défaut de les réunir, il les oppose en inversant leur nature interchangeable. Il les confond par l’écran magique du désir dans la relation maître-esclave.
Ce mouvement s’exprime comme un miroir en réfléchissant le double impact de l’intuition du sujet universel.

Je conserve le corps du langage tout en me préservant de l’entendement.
Ainsi je survis dans la synthèse obsessionnelle du paysage de mon corps pensant dépossédé du sens de son histoire.
Ce mouvement synthétique fige l’évolution et alimente ma démarche de fusion entre toutes formes de vie caractérisées.

Ma démarche est autant politique que sociale jusque dans le domaine métaphysique, au sens où elle tente tout d’abord de supprimer l’illusion d’une réalité institutionnelle, en unifiant, par le biais de la perception, l’écriture métaphysique à celle d’une réalité fictive ; et ensuite par le non-sens de cette union, déporter toutes écritures particulières à la dimension de l’être.

Résolu à déployer mon intelligence dans la transgression du connaissable, j’entame mon échec scolaire. Je ne lis plus, je ne dors plus et je m’assassine aux moulins de la dépendance dans un combat chevaleresque. Je cultive la mort pour la maîtriser. je sème le poison comme un vaccin qui me préservera de toutes autres cultures. Je règne en maître sur le champ de bataille dévasté de mon corps pensant.

Dans cet abîme, j’excerce mon pouvoir sur les autres dans la destruction des repères géométriques dans la fusion dominée, de leur doutes et de leur manques d’être.

Mes rêves sont désormais sans images.

Je privilégie l’hallucination qui confond le “Je” et le “Moi” dans le rêve éveillé. Elle me permet de me laisser déborder par la réalité, sans crainte de la détermination.

Alors, je suis envisagé par la rencontre le partage de cette réalité vue sous un jour nouveau. Nous nous prenons à réver à une fusion spirituelle, accomplie au sein de l’être dans l’océan d’un paysage à venir.

J’entre dans le rêve…

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